"Pour J.-P. Vernant, l'histoire d'Œdipe se constitue en destin en fonction de deux déterminations institutionnelles propres à la πολίς athénienne : l'ostracisme et la fête des Thargélies. L'ostracisme, procédé politique archaïque dans la structure démocratique contemporaine de Sophocle, consiste dans l'exclusion d'un citoyen : par vote, mais sans accusation ni défense ; par l'accord tacite des citoyens sur le fait que l'un d'entre eux est trop grand pour la cité, et donc dangereux. « Une cité périt de ses hommes trop grands », dit Solon. Quant à la fête des Thargélies, elle comporte aussi une exclusion, rituelle, d'un bouc émissaire, le ϕάρμακος, chargé de toute la bestialité de l'ensemble des hommes de la πολίς. Or Œdipe est à la fois celui qui est trop grand – trop puissant, trop heureux –, et celui qui est trop vil : égal aux dieux au début de la tragédie, il devient égal aux bêtes à la fin. Son destin est d'être hors mesure, en proie à la démesure (ὑϐρίς). Brouillant les règles de parenté, il est à la fois dieu et bête et conjoint en lui les deux extrêmes entre lesquels se constitue la cité des hommes : comme un pion isolé sur un jeu de dames, dit Aristote, à l'inverse même de la prudence qui constitue l'essence de l'homme comme animal raisonnable. Destin : marque du surhomme et de la bête. Pour le Grec, le destin ne peut que donner lieu à une procédure d'expulsion ; c'est ainsi que Platon chasse le poète de la cité, car il introduit par ses chants à la gloire des héros tragiques la disproportion et le danger d'une trop grande proximité avec les dieux." (Encyclopédie Universalis)
http://www.universalis.fr/encyclopedie/destin/4-aux-sources-de-la-tragedie/
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