Rembrandt, La leçon d’anatomie du Dr. Tulp, 1632, Mauritshuis, La Haye.
Source : Explication de texte littéraire : un exercice à revivifier / Intervention de Patrick Laudet, Inspecteur Général de l'Education Nationale, groupe des Lettres.
À Novarina qui nous met au défi de nous relever du diafoirisme des manuels, peut-être pouvons-nous répondre en regardant la belle « Leçon d’anatomie du Docteur Tulp » de Rembrandt.
Bien davantage que Thomas Diafoirus, cette toile célèbre aurait vocation à servir d’emblème à l’art d’expliquer les textes.
Que voyons-nous ? Dans le profond silence de la toile, la belle parole d’un professeur !
Le cadavre est bien là et la main est dûment écorchée pour la leçon d’anatomie. À une époque où la dissection de cadavre ne se pratiquait qu’en terre protestante, la composition est certes un bel hommage à la science naissante et à sa démarche expérimentale. Le livre, qui cadre la toile dans son coin inférieur droit, s’éclaire avantageusement de la confrontation très pratique avec ce qui fait le fonctionnement bien réel d’une main.
Pourtant, certains élèves ne s’y trompent pas, qui regardent et écoutent là où ça se joue également. Pas seulement autour de la main industrieuse du professeur, qui d’un geste sûr, incise, avec la pointe du ciseau, muscles et nerfs à vifs, pour en bien souligner l’ordonnancement. Car, s’agissant de percer le secret de la vie, une main vivante en dit plus long que la main d’un cadavre.
Sur le beau fond noir d’une veste qui en rehausse tout le relief et le mouvement, l’autre main du professeur ne sert à rien d’autre qu’à incarner la parole, et à en prolonger l’intelligence et la beauté.
On disait du professeur Tulp qu’il était un grand maître…
À l’instar de cette éloquente leçon de Rembrandt, puisse l’explication de texte littéraire se faire à deux mains. Peut-être avions-nous un peu oublié l’importance de la deuxième main ?
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