À l'occasion du tricentenaire de la naissance de Denis Diderot, né à Langres en 1713, une série d'activités culturelles seront organisées partout en France. Le tricentenaire de Diderot est inscrit aux Commémorations nationales de France pour 2013.
Version complète du cours :
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À l’automne 1759, Diderot est chargé par le baron Frédéric-Melchior Grimm, amant de Mme d’Épinay et familier des Philosophes, de rendre compte du Salon.
Le compte rendu de Diderot ne sera pas à proprement parler publié. Il est destiné à une revue copiée à la main, La Correspondance littéraire, dont Grimm est le maître d’œuvre. N’étant pas imprimée, La Correspondance littéraire échappe à la censure et ose ainsi adopter un ton, un style et des idées extrêmement libres. En 1759, La Correspondance littéraire en est encore à ses débuts et ne compte qu’une quinzaine d’abonnés, têtes couronnées et riches aristocrates cultivés vivant hors de France. Parmi eux, Catherine II, impératrice de Russie ; le duc de Saxe-Gotha ; Louise-Ulrike, sœur de Frédéric de Prusse ; le fils de Louise-Ulrike, le futur Gustave III de Suède.
Depuis 1753, c’était Grimm qui se chargeait de la critique d’art pour la revue. En 1757, Grimm consacre au Sacrifice d’Iphigénie de Carle Vanloo un article où il met en scène sa discussion avec Diderot. En septembre 1759, Diderot promet à Grimm d’aller au Salon : « s’il m’inspire quelque chose qui puisse vous servir, vous l’aurez. Cela n’entre-t-il pas dans le plan de vos feuilles ? » Diderot prendra donc le relais de Grimm, mais toujours sous la forme d’une collaboration, d’un dialogue avec son ami : les Salons de Diderot prennent à chaque fois la forme d’une lettre adressée à Grimm, et Grimm y insère pour ses lecteurs de nombreux commentaires.
La Correspondance littéraire devient dès lors l’espace protégé où Diderot pourra développer son œuvre, à l’abri des orages de l’Encyclopédie et des persécutions que lui avait valu dix ans plus tôt la publication de La Lettre sur les aveugles et des Bijoux indiscrets. Il écrit une foule de comptes rendus d’ouvrages. Mais les Salons constituent ses textes les plus conséquents : de 1759 à 1767, ils prennent chaque fois plus d’ampleur, au point que celui de 1767 doit être livré à part, sous forme de supplément. À partir de 1769 et surtout au-delà, les Salons perdent de leur importance. Diderot fournit autre chose à la Correspondance littéraire : ses textes romanesques et ses premiers dialogues philosophiques.
L’écriture des Salons a donc servi de relais entre la première production diderotienne, publique et militante, et l’œuvre de la maturité, dans laquelle Diderot s’immortalise par une forme d’expression, un mode de raisonnement absolument singuliers : le dialogue diderotien s’appuie sur un dispositif qui s’est constitué dans les Salons. L’écriture des Salons est l’occasion pour Diderot d’une expérience intime de l’image : il ne se contente pas de décrire, de plus en plus précisément, les tableaux. Il restitue l’idée même de la composition, il manipule, réforme, juge cette idée en amont de la représentation à laquelle elle a donné lieu : indépendamment même de son titre, quel est le sujet réel du tableau ?, le peintre l’a-t-il bien représenté ?, l’a-t-il bien choisi et conçu ? Le jugement de la peinture ne sera donc pas seulement, pas principalement un jugement technique, une évaluation du « faire » (qualité et agencement des couleurs, proportions des corps, finitions des pieds et des mains, rendu des tissus). Le peintre est d’abord un intellectuel, un philosophe qui manipule des idées. Ce qui compte, au-delà du « faire », c’est « l’idéal », c’est-à-dire tout ce qui dans la représentation relève de l’idée : l’invention du sujet ; dans le sujet, donc dans l’histoire qu’il raconte, la sélection d’un moment à peindre ; et pour représenter ce moment, la disposition des personnages, le choix des accessoires, la tonalité d’ensemble de la scène.
Ce qui dans la peinture est vraiment créé, ce n’est pas le faire, la réalisation pratique de la toile, mais l’idéal, l’invention de la scène. Alors que Diderot, malgré des connaissances techniques de plus en plus poussées de Salon en Salon, demeure nécessairement étranger au faire, qui renvoie exclusivemment au support pictural et au métier de peintre, l’idéal est l’affaire de tous les artistes, de tous les créateurs, quel que soit le domaine d’application de la représentation : scène de théâtre ou livre imprimé, peinture ou sculpture, poésie dramatique ou épique...
Fondamentalement l’idée dont il s’agit ici est l’idée platonicienne, dont la référence est omniprésente dans le texte diderotien : on songe au commentaire du Corésus et Callirhoé de Fragonard, dans le Salon de 1765, commentaire intitulé « L’Antre de Platon » ; ou à la préface du Salon de 1767, avec sa longue méditation sur le φαντάσμα φαντάσματος platonicien. Et Diderot le répètera à maintes reprises : du philosophe au littérateur, du littérateur au peintre, l’activité poétique est la même, la manipulation des idées, la fabrication, la transformation des images procédant d’un même processus de pensée fondamentalement iconique.
http://www.univ-montp3.fr/pictura/Diderot/SalonsEkphrasis.php
φαντάσμα φαντάσματος : VERS 522. Pour Platon, la peinture est une « représentation de représentation », φαντάσμα φαντάσματος, car l’objet qu’elle imite est lui-même le représentant, la représentation d’une idée, d’une catégorie abstraite plus générale. La hiérarchie est donc la suivante : l’idée générale de lit ; le lit particulier, réel, concret, qui représente cette idée ; la peinture qui représente ce lit particulier, c’est-à-dire qui représente une représentation de l’idée de lit. Chaque niveau supplémentaire de représentation constitue pour Platon une dégradation de plus par rapport à l’idée.
Commençons par une petite remarque pratique. Le mot Salons prête souvent à malentendu. Il faut être très attentif ici à la typographie :
Par « salon », avec un s minuscule, on entend le salon privé d’une femme de lettres qui reçoit des écrivains et des poètes. Ce lieu de sociabilité mondaine, où l’on échange des idées, où on élabore, parfois collectivement, des œuvres littéraires, n’a rien à voir avec le sujet de ce cours.
Par « Salon », avec un S majuscule, mais sans italiques, on désigne le Salon carré du Louvre, la pièce où avaient lieu les expositions de peinture et de sculpture organisées par l’Académie royale au XVIIIe siècle. Nous nous rapprochons ici de notre sujet : c’est de ces expositions que Diderot rédigea les comptes rendus.
Enfin, par « Salons », avec un S majuscule et en italiques, on désigne les comptes rendus que Diderot fit de ces expositions pour la Correspondance littéraire de Grimm, régulièrement tous les deux ans de 1759 jusqu’en 1769, puis plus irrégulièrement jusqu’en 1781. Ce cours porte sur les Salons de Diderot.
Mais pour comprendre de quoi il retourne, il convient de s’arrêter d’abord un moment sur ces expositions, ces Salons, qui constituaient au XVIIIe siècle un événement parisien exceptionnel, au retentissement européen.
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Stéphane Lojkine, « Vérité, poésie, magie de l’art : les Salons de Diderot », cours donné à l'université de Provence, sept.-déc. 2011.
Cours complet :
http://www.apologos.fr/histoire-des-arts/art-focalisation-et-point-de-vue
Le public et l’intime
Stéphane Lojkine, "Genèse du modèle journalistique dans les Salons de Diderot "
Le modèle journalistique du compte rendu se constitue donc à partir de cette contradiction fondatrice : il est motivé par l’apparition d’un nouvel espace public, l’exposition du Salon ; mais il est mis en œuvre depuis une sphère intime, où se décide le jugement de goût. La polarité du public et de l’intime est fondamentale dans le nouveau rapport que le journal établit entre le sujet et la peinture : c’est dans l’expérience singulière, subjective de la cristallisation scopique, c’est-à-dire de ce qui noue intimement la toile à celui qui la regarde, que se joue le destin collectif, national de la peinture. Par cette cristallisation qui se fait ou ne se fait pas, et dont le journaliste se doit désormais de rendre compte, ce n’est ni Dieu, ni le roi, ni même l’écrivain hagiographe, mais le public érigé en juge qui consacrera désormais la gloire du peintre et définira les traits et les orientations d’une école française de peinture contemporaine.
http://www.univ-montp3.fr/pictura/Diderot/SalonsEkphrasis3.php
Deux classes de 2nde du lycée Aragon de Givors ont élaboré un site internet d’information sur la période allant de la Renaissance au siècle des Lumières.
Ce site se voulait à l’image des salons qui fleurissaient à cette époque : un espace d’échange de connaissances et de partage.
Objectif : Les utilisateurs de ce site devaient trouver sur cette période des informations variées : historiques, littéraires ou scientifiques.
Les objectifs de ce projet sont de :
- réinvestir et renforcer les savoirs et les compétences acquises dans les disciplines associées [Cours de français, d’histoire-géographie, de sciences et de mathématiques] ;
- développer des capacités d'autonomie et d'initiative dans la recherche et l'exploitation de documents [Cours de méthodologie portant sur la recherche documentaire / cours d’AP] ;
- commencer à se familiariser avec les méthodes de travail et d'organisation qui seront mobilisées dans l'enseignement supérieur [Cours sur la construction d’un diaporama / Cours sur l’élaboration d’un dossier, mémoire ou rapport] ;
- travailler en équipe ;
- présenter à l'oral son travail.
Le tricentenaire de la naissance de Diderot :
http://diderot2013-langres.fr/
https://sites.google.com/site/diderot2013/
Les Salons de Diderot :
http://www.univ-montp3.fr/pictura/Diderot/SalonsProgramme.php
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